Les chiffres de l'inventaire forestier national parus à l'automne 2022 n'étaient pas bons. Ils montraient une dégradation de la santé des arbres durant la dernière décennie, même si la surface de la forêt était en augmentation. Le bilan de la santé des forêts (1) 2022, que le ministère de l'Agriculture vient de publier, n'arrange pas les choses.
« Le répit a été bref. Après une année 2021 qui aurait pu être considérée comme "normale" il y a quelques années, mais providentielle dans le contexte de sécheresse qui prévaut depuis 2015, les forêts ont de nouveau subi en 2022 le feu et la soif d'un été impitoyable, alors que l'hiver avait été sec et le printemps chaud », rapporte Fabien Caroulle, du département de la Santé des forêts. Résultats ? De nouvelles atteintes à la santé des arbres, même si certaines essences avaient pu profiter en début d'année des meilleures conditions climatiques rencontrées en 2021.
L'année 2022 se caractérise en premier lieu par le record absolu de chaleur, avec une moyenne de 14,5 °C sur la France. Mais le dérèglement climatique ne se manifeste pas seulement par le réchauffement global, mais aussi par des phénomènes de canicules, de sécheresses, d'inondations, d'orages de grêle, de gels tardifs et d'incendies. Autant de phénomènes qui mettent les arbres à rude épreuve et dont les effets peuvent interférer.
Peuplements en détresse
« Souvent caractérisés par un très grand développement spatial, les orages de grêle ont fortement frappé les peuplements forestiers, de pins essentiellement, qui ont commencé à sécher immédiatement après, sous l'action conjuguée du sphæropsis des pins, des blessures laissées par les grêlons et de la sécheresse », constate le bilan. Les départements les plus touchés ? La Gironde, la Dordogne, le Doubs, la Loire, l'Allier, la Saône-et-Loire, la Nièvre et l'Indre-et-Loire.
Le gel tardif d'avril a en revanche occasionné moins de dégâts qu'en 2021. « Sans doute le débourrement était-il alors moins avancé et l'intensité du coup de froid moins long et moins marqué qu'en 2021… », avancent les services du ministère de l'Agriculture. « Cet épisode de gel tardif était tout de même là pour rappeler que dans le contexte de réchauffement climatique actuel, cette conjecture risque de devenir sans cesse plus fréquente, au moment charnière du démarrage de la végétation », relèvent toutefois les auteurs du rapport.
Quant à la sécheresse, les signalements de dégâts se sont accumulés. « On peut dessiner grossièrement une ligne allant de Reims à Bordeaux, à l'est de laquelle se trouve la majeure partie des signalements de peuplements en détresse à la suite de l'accumulation de déficits hydriques », indique le document. En ce qui concerne les périodes caniculaires, elles ont été nombreuses et précoces, sans atteindre la longueur et l'intensité de celle de 2003. « S'il est difficile d'évaluer les effets futurs de ces canicules, une évidence s'impose au fil des années : l'été devient la saison difficile pour la végétation, forêt comprise », relèvent les rédacteurs du bilan.
L'année 2022 a également été marquée par des incendies de forêt sans précédent, favorisés par la combinaison du déficit pluviométrique et des fortes chaleurs. La Nouvelle-Aquitaine a été la région la plus touchée, avec les incendies en Gironde (La Teste-de-Buch, Landiras) déclenchés en juillet et qui se sont poursuivis jusqu'au mois de septembre (Saumos). Mais d'autres régions, beaucoup moins préparées, ont aussi été concernées, comme la Bretagne, ainsi que plusieurs départements pourtant situés dans la moitié nord de la France : Sarthe, Maine-et-Loire, Jura, Vosges, Ardennes, etc. « Dans ces conditions, l'affaiblissement des peuplements risquent de faire émerger le risque de pullulations de scolytes », pointe le document, sachant que ce sont les résineux qui ont été le plus frappés par ces incendies.
Échec massif des plantations
Et il ne faut pas compter sur les plantations pour compenser ces atteintes sanitaires. En effet, « après une année 2021 très satisfaisante (…), 2022 signe le retour des échecs massifs », cingle le rapport. Le taux de plantations en échec est de 38 %. Un record depuis la mise en place de ce suivi en 2007. Les principales essences touchées sont le douglas et le chêne sessile, alors que le pin maritime, le pin taeda et le peuplier présentent en revanche un taux de reprise « satisfaisant ».
« La sécheresse du sol, très marquée cette année, a mis en évidence la nécessité de réaliser des plantations qui permettent une bonne installation du système racinaire », pointent les auteurs du bilan qui font état de la multiplication des signalements de dépérissements d'arbres âgés entre dix et vingt ans, avec présence d'armillaire ou de scolytes. « L'arrachage de quelques arbres mourants a mis en évidence des systèmes racinaires en "chignon", qui viennent étrangler l'arbre au fur et à mesure de sa croissance. Sur ces arbres affaiblis, des attaques de bioagresseurs opportunistes sont également fréquemment reportées, témoins d'une mise en place initiale inadéquate », expliquent-ils.
Ce qui interroge sur les annonces de plantations d'arbres si celles-ci ne sont pas accompagnées d'un volet qualitatif à la hauteur des menaces. Le chef de l'État avait annoncé, en octobre dernier, la plantation d'un milliard d'arbres en dix ans en vue de renouveler 10 % des peuplements forestiers afin de les adapter au changement climatique.